Georges Chelon souffre de ce monde secret qu’il porte en lui et qu’il nous révèle depuis si longtemps avec ses ouvriers mots pour lesquels et par lesquels il a construit un univers d’amour et de
solitude où tout pèse. Peser voilà son maître mot, son verbe sésame qui lui ouvre les portes de l’émotion, du rêve et de la générosité. Il pèse cette vie, et l’autre, celle d’après, et toutes
celles d’avant et toutes celles qui suivront. Il pèse le bien et pèse le mal. Il pèse bien le mal mais jamais mal le bien. Il jongle en pesant, il jongle en créant. Il attend l’heure où son âme
entière recouvrira son œuvre humble, fragile mais si pure et si nette. Il n’a jamais parlé que pour se taire et écouter. Écouter quoi ? Le monde. Le monde qui lui n’écoute rien, ne voit rien, ne
sait rien. Poète libre et debout, poète sans haine et sans mépris, poète qui ne joue pas à l’être, poète silencieusement heureux pour les autres, Georges Chelon ne se taira jamais. Il nous parle
du plus profond de nous, de ce si difficile à avouer et à trouver : l’amour. L’amour des autres, l’amour de l’autre, l’amour de l’amour.
Écoutons-le sans qu’il le sache. Longtemps encore. Les pas des poètes ne cessent de nous hanter ; ils osent aller là où nous rêvons d’être : la terre des justes.
Francis Huster